« C’est plutôt pas mal pour un festival français. » C’est avec tout sauf cette idée en tête que nous avons couvert l’EMF pour la première année. La Belgique, les Pays-Bas ou la Croatie sont des pays qui n’ont pas l’exclusivité de vendre du rêve. Car les français ne sont pas moins capables que les autres, et ont le même devoir de fournir un festival de qualité. Un festival où l’on passe des moments uniques, des instants qui restent gravés à jamais dans nos mémoires. Un festival où, après trois jours de folie, on se retrouve frappés par la nostalgie et cette brûlante envie d’y retourner. L’Electrobeach Music Festival est un de ces festivals et il est bien français.

Le soleil est de sortie après une brève averse et nous ne sommes pas en Belgique mais à Port-Barcarès, près de Perpignan. Des milliers de festivaliers sont sur la route de l’EMF où en toutes lettres, Electrobeach Music Festival. « Le plus grand festival electro de France » nous attend juste après la sortie 13 et un premier périple commence alors : trouver un endroit pour garer notre carrosse. Un demi-tour, puis deux… Un parking à première vue gratuit mais en réalité payant. Il faut une vignette. On cherche l’info sur le site, en vain. Notre solution de repli se situe dans l’un des nombreux terrains vagues alentours. Stationner est une galère visiblement répandue et occasionne une première remarque négative qui sera valable sur tout le festival : que c’est mal indiqué ! La signalisation est quasiment inexistante sur tout le festival et le peu que l’on remarque n’est plus visible dès la tombée de la nuit. Pour ne rien arranger, aucun plan n’est distribué à l’entrée ni communiqué en amont. Il vous faut explorer et découvrir les lieux vous-mêmes. Partir recharger sa carte cashless ou aller au petit coin peut ainsi devenir une véritable expédition si l’envie vous prend à 23h autour de 50 000 personnes. Trêve de râleries, il est temps d’aller boire un coup.

La gorge sèche

Le cashless est devenu le nouveau standard de paiement un peu partout (RIP, tokens). La promesse : simplifier les transactions et surtout, la possibilité pour les festivaliers de se faire rembourser l’argent qu’il reste sur leur bracelet. La réalité est un peu plus complexe, dans le sens où les guichets de recharge sur le festival rencontrent parfois quelques soucis et cessent de fonctionner durant de longs moments. Heureusement, il est toujours possible de recharger via Internet… à condition d’avoir un réseau mobile fonctionnel. Malgré les quelques antennes mobiles que nous repérons, communiquer reste un problème majeur que les organisateurs devront résoudre pour les éditions à venir.

Ce qui nous frappe encore plus c’est bien la politique tarifaire appliquée. Le verre d’alcool fort culminait à 12 EMF soit 15,60€. Du jamais vu en festival (même à Tomorrowland). En revanche, on apprécie la variété des boissons disponibles avec la possibilité d’acheter des bouteilles au VIP, de la même façon qu’en discothèque. En cas de grande soif, heureusement, des fontaines sont disposées un peu partout sur le terrain du festival. Du côté de la nourriture, les stands proposent un choix plutôt large. Les prix sont plus raisonnables et les burgers flattent nos papilles. C’est un très bon point, suffisamment rare en festival pour être souligné !

En bon point également, le coin chill en adéquation avec la Beachstage qui, à proximité, permettait de se reposer un moment loin des foules, les pieds dans le sable, en sirotant un Mojito.

La France sur le devant de la scène

S’il y une chose que l’on retient de cette édition 2018 c’est l’influence du contexte sportif dans lequel le festival se trouve : l’Electrobeach jouant sur l’identité tricolore depuis quelques années, est gâté par sa situation temporelle se situant juste avant la Coupe du Monde de Football 2018 et ce, avec une France finaliste. On ne peut en effet manquer la Marseillaise durant ces trois jours, que ce soit entre groupes de festivaliers, ou avec la prestation du très attendu, DJ Snake jeudi soir, précédée par un “On est en finale, putain ! ».

Peut-on être fan de Trance et apprécier sa musique ? La réponse est oui. Le Frenchy prolonge après la prestation efficace de l’américain Diplo, l’ambiance haute en couleurs, naviguant entre Twerk, Trap, Bass Music et House, genre très marqué en cette édition sur la Mainstage. Il ne manque que Skrillex à ce tableau ! Après une entrée fracassante en Dubstep devant une Mainstage bondée, il nous surprend avec une reprise de Let The Beat Control Your Body de Brodinski, mais également avec le bel hommage aux autres Français mis à l’honneur durant cette édition : le duo Bellecour (Tony Romera et Keeld), présent ce soir-là, en jouant leur très lourd titre Da Vinci, co-produit avec Aazar et sorti sur son label Première Classe.

L’hologramme (ou le fantôme) de la Swedish House Mafia

Vendredi soir, Steve Angello est attendu comme le premier rayon de soleil après une longue nuit d’Hiver. On ne sait si la récente reformation du groupe superstars suédois en est l’origine, mais il semble que durant ce set le groupe soit davantage représenté que l’homme lui-même. C’est ainsi que nous plongeons dans le passé avec les classiques du trio, les souvenirs nous envahissent et l’émotion est là.

Autre fait marquant de cette seconde journée, la présence de la Trance sur la Beachstage. Regroupant les talents français de demain, elle offre une diversité musicale et permet de découvrir des sonorités trop rarement mises en valeur dans les festivals français, comme la Trance ou la Nu-Disco.

À majorité Progressive, le set trancy de notre ami Dorian Evander (co-fondateur TranceVision) nous régale, et nous nous surprenons à entonner sur des airs bien connus en compagnie de quelques hollandais (incroyable mais vrai) aux abords de la Méditerranée. Au milieu de pas mal de titres de la maison Anjunabeats, on retient les audacieux mashups de Eric Prydz – Opus avec des vocales très connues d’Axwell ainsi qu’un son de Maor Levi servant de base à un solide Dorian Evander’s Avicii Tribute. Son set est en fin de review et on vous le conseille ! L’heure se termine sans qu’on la voit passer… Un seul regret, qu’il n’y en ait pas plus !

Technobeach

Cette année la scène Techno reçoit ses lettres de noblesse et nous sommes gâtés. Trois jours, trois ambiances capables de satisfaire toute oreille amatrice ou puriste.

Le monument Carl Cox nous régale au soleil couchant, malgré une scène peu adaptée à sa prestation mais nous y reviendrons. Le Monsieur est efficace et fidèle à lui – même. Mention spéciale pour un certain Adam Beyer & Bart Skils – Your Mind qui est un morceau que nous aimons beaucoup !

Autre perle de cette stage, la carte blanche accordée vendredi au collectif barcelonais Elrow où nous fêtons comme il se doit le nouvel an Chinois ! Un carnaval de goodies, confettis et performers nous enjaille une journée entière au bon son Tech – House. L’ambiance est simplement incroyable et le mot fête prend alors une toute autre dimension. Un vrai coup de coeur !

L’explosion Psy–Trance

La Psy-Trance se développe encore, caresse les oreilles du grand public et la voilà qu’elle déboule sur toutes les mainstages. L’EMF ne déroge pas à cette règle. Les stars du samedi 14 juillet sont sans conteste le duo israélien Vini Vici. Une entrée triomphale sur la scène principale, marquée par un set musclé aux reprises pour le moins surprenantes et variées avec des remixes de Daft Punk, des Cranberries ou du classique Pjanoo de Eric Prydz. La Mainstage, bondée, est littéralement en Trance ! C’est un vrai bonheur. 22h04 clap de fin, et ovation du public : Merci beaucoup France !

Après la Psy-Trance, Afrojack assure une descente aux enfers. La progression musicale est en souffrance et on se questionne sur l’enchaînement Vini Vici, Afrojack, puis Armin van Buuren. Son tour venu, notre vétéran présent pour la énième année au Barcarès montre que le public français n’a plus de secrets pour lui après neuf années d’expérience sur le territoire bleu, blanc, rouge. Surfant sur la vague psy dès le début de son set, il alterne ensuite entre Big Room, Progressive et Trance, le tout dans une maîtrise parfaite.

Comme il l’a annoncé dans notre interview, Armin van Buuren nous offre une palette d’expression riche, aux influences variées qu’elles soient Rock, Hardstyle ou Techno. Jouant sur des reprises comme celle de Nirvana ou de The Killers, il laisse place également à des vocaux bien connus des français comme Sunny Days ou Another You, le tout sur des pépites telles que Violet de Fatum ou Tierra de Khomha. Amateurs ou puristes, chacun pouvait y trouver son bonheur ! Minuit, l’heure du gong sonne avec Great Spirit, c’est déjà la fin…

Rédemption surprise

Soyons honnêtes, une bonne partie de l’équipe a songé à fuir pour l’arrivée des derniers DJ’s à se produire sur la Mainstage. Nous aurions eu si tort ! Les vocales Housy des années 90 ont été mises en valeur par le back to back de ‘No Redemption’ (Tchami & Malaa). Des mélodies inattendues et un final très mélancolique. C’est la bonne surprise qui clôt ce jour de fête nationale.

Une scénographie timide

Côté scénographique, une place importante est accordée cette année à la scène Techno qui s’illumine notamment le vendredi avec le collectif espagnol. Une disposition en arrondi qui apporte une certaine convivialité, mais qui reste en dehors de cette journée un peu nue. Relativement laide de jour, la scène trouve son charme à la tombée de la nuit, mise en valeur par les tubes LED disposés sur les structures. Journée Elrow mise à part, les DJ’s y sont plutôt en retrait, cachés derrière un écran dont l’utilisation est parfois clairement discutable.

La Hardstage quant à elle, semble quelque peu à l’abandon. Recevant des artistes de renommée internationale, elle paraît étriquée derrière le Lydia et tout juste plus grande que la Beachstage. Pire encore, la décoration y est inexistante.

Au niveau de la Mainstage, c’est le paradis de l’écran LED. Parfaitement éclairée, la scène est imposante et jouit d’une belle profondeur. De nuit, les lasers en profitent pour venir frôler nos rétines. Le travail est présent et les shows visuels et pyrotechniques sont efficaces. On adore les flammes tricolores !

Dans l’ensemble, l’essentiel est présent, on reste cependant sur notre faim : où sont les habillages de scène et les décorations ?

Le son très Funktionnel

Baigné dans le plus pur son des enceintes Funktion One, l’EMF a frappé très fort sur le plan de l’acoustique. Chaque scène arrosait les festivaliers d’un son propre, puissant et agréable à l’oreille. Le challenge était de taille, surtout sur la Mainstage. Du premier rang devant la scène jusqu’à l’ancre du Lydia, le son est bon. Une très belle performance. Seule la scène Hard s’est trouvée un peu en difficulté à cause d’une fréquentation sous-estimée par les organisateurs. Conséquence directe : il manquait clairement du son notamment durant le set d’Angerfist.

Pour des raisons obscures, on assiste à beaucoup de trous entre chaque DJ. De longues minutes où il ne se passe rien, où il n’y a pas de son. C’est un peu dommage. Les transitions pourraient-elles à l’avenir être assurées par des intro préparées en amont ? Annoncer les DJ’s juste avant le début de leur set serait aussi une voie d’amélioration.

« Bonnes vibrations »

Des sourires, de la joie, de la complicité, de la bienveillance et de la bonne humeur. Voici quelques-uns des éléments clés qui font un bon festival d’été. On s’en inquiétait un tout petit peu car L’Electrobeach Music Festival attire un public plutôt jeune et grand public. Nos craintes ont vite été balayées par la très bonne atmosphère qui règne sur tout le festival.

Oui, un évènement d’une telle ampleur occasionne toujours des débordements. Un site d’info parodique a publié un article qui a été partagé de nombreuses fois sur Facebook durant le weekend, en étant pris au sérieux. Une mauvaise publicité plutôt injuste car la réalité est qu’il y a un véritable esprit de camaraderie qui s’empare du Barcarès durant ces trois jours. Un esprit dans lequel nous avons baigné et qui nous a marqués.

La mairie du Barcarès peut être fière du beau chemin déjà parcouru. Les organisateurs ont su élever leur bébé pour qu’il devienne le plus grand festival Electro de France, mais aussi le meilleur à ce jour ! En développant une diversité musicale chaque année de plus en plus marquée, l’EMF attire un public lui aussi de plus en plus large et un peu plus connaisseur.

Un tel line-up est unique aujourd’hui en France et il est important de remercier l’organisation qui nous offre cette qualité artistique chaque année.C’est dans les détails que les équipes devront maintenant travailler pour peaufiner leur recette. Malgré une concurrence féroce, Electrobeach s’impose aujourd’hui comme une référence solide dans le paysage des festivals européens.


 

Co-écriture : Elwenn Marchand & Mathieu Brochier.