Parmi les voyages, il y a ceux de l’esprit, transcendés par les œuvres que nous prenons plaisir à décortiquer et tirer une quelconque interprétation qui nous est propre, mais qu’il est toujours intéressant d’échanger. Ainsi, à quelques semaines du solstice 2015, la chance d’écrire sur le nouvel album d’un artiste tel qu’Orkidea, sorti en ce 1er Juin chez Black Hole Recordings, était une occasion trop belle pour être ignorée.

Nombre d’entre vous connaissent ce producteur de musique électronique Finlandais, du nom de Tapio Hakanen, a.k.a Orkidea. Parmi ses hauts faits d’armes Unity (1999), Year Zero (2007 feat Andy Moor), et l’album Metaverse (2008), il a notamment beaucoup collaboré avec Solarstone et tire son inspiration de multiples sources et artistes. Il a également reçu le soutien des plus grands artistes de la scène électronique.

Côté albums, il n’en est pas à son coup d’essai, 5 albums sont sortis au cours de ses deux décennies de carrière, ainsi Harmonia constitue son 6ème album.


Place à l’analyse :

Je serais tenté de dire qu’Orkidea avait la volonté d’imprimer une teinte nocturne et ésotérique à son album, en atteste l’ouverture constituée par My Sunset, que l’on peut interpréter métaphoriquement comme le crépuscule du voyage rétrofuturiste que nous offre l’album Harmonia. En effet, le morceau est teinté de sonorités rêvassières et à connotation cosmique, nous rappelant les inspirations majoritaires d’Orkidea que sont Vangelis et Jean-Michel Jarre. La touche lounge de la bassline achève de donner un côté apaisant au morceau, de même que la voix rêveuse accompagnant My Sunset sur un ton posé et langoureux nous mène agréablement vers l’aventure Harmonia

Dreams Of Dreamers, ne serait-ce que par son nom, est le digne follow-up de My Sunset, on y retrouve les éléments cosmiques du précédent morceau, la spatialisation est un peu plus accentuée, non sans rappeler des souvenirs d’albums comme Oxygène ou de certains morceaux de Tangerine Dream. L’utilisation des synthétiseurs est savamment orchestrée, ainsi l’atmosphère émise nous porte sans peine dans une douce humeur méditative.

Neo Romance est un autre titre qui porte parfaitement l’aspect retrofuturistic, en plus des éléments que l’on retrouve à travers tout l’album (spatialisateurs, synthés en tous genres, etc…), le lead de Neo Romance donne un côté cyber-église, m’évoquant le croisement entre un orgue et un synthétiseur, qui laisse éventuellement imaginer un futur où la romance et le virtuel sont intimement liés. En définitive, c’est un morceau qui peut avoir son intérprétation, malgré des paroles qui ne sont pas très creusées, c’est l’instrumentale qui laisse part à l’interprétation.

Comme dit précédemment, Tapio Hakanen donne une large place à ses inspirations en faisant des hommages à travers l’album, ainsi a vu le jour un remake, en quelque sorte, de P:Machinery, un des morceaux phares du groupe New Wave/SynthPop Propaganda (voir lien ci-dessous). On y retrouve la vision contemporaine de l’artiste qui a arrangé les éléments majeurs du morceau comme le drum principale qui constitue majoritairement la bassline de la version 2015 avec un ton différent, de même que le lead utilisé est quasiment identique. La voix, quand à elle est vocodée, pour un rendu plus électronique, ne conservant qu’une partie infime des paroles. Le résultat est un hommage bien ficelé, à la sauce progressive retro.

Orkidea dit lui-même être heureux d’avoir l’autorisation officielle de réaliser un remake de son classique Industrial Revolutions Parts II, ainsi est né le chef d’œuvre (pour beaucoup) : Revolution Industrielle. On retrouve les éléments qui font la force du morceau de 1988, avec des sonorités bien racées de la légende Lyonnaise, notamment lorsque le break se met en place, dévoilant une montée épique dont vous me direz des nouvelles, avec les percussions qui répondent au lead. Le thème me semble suivre le morceau le morceau est plutôt intemporel et angoissant, on pourrait parfaitement retrouver certains sons dans une série SF comme V. Revolution Industrielle est une beau mariage entre les aspects de la musique électronique des années 80 et ceux de celle d’aujourd’hui.

La suite de l’album est constituée de morceaux plus rythmés, même si la plupart conservent une touche vintage. On retrouve dans un premier temps le Slowmotion III, sorti en été 2014 aux côtés de Solarstone a.k.a Mister Pure Trance, dont la bassline made in Solarstone est fortement reconnaissable. Comme attendu, on perçois des mélodies joyeuses et un rythme assez soutenu pour un style qui reste progressif, on reconnait assez bien l’apport d’Orkidea dans les synthétiseurs utilisés ainsi que les effets, le tout est assez harmonieusement organisé, bien que la signature trop évidente en fasse un morceau qui, bien que très bon, n’est pas très original. Ensuite vient Strange World, morceau vocal intéressant, sans se montrer transcendant. Le côté solennel imprimé par le chanteur est assez touchant, avec toujours une instrumentale bien construite, cela rappellera sûrement à certains classiques possédant le même genre de lignes vocales.

Glowing Skies, qui arrive dans la foulée, est idéalement taillé pour la route. Sa bassline, linéaire, mais parsemée d’effets qui refoulent la lassitude permet de s’imaginer filant à travers la nuit, car encore une fois le thème semble être assez nocturne, avec un rendu toujours doucement dark.

Je vais parler maintenant d’un morceau qui est assez rafraîchissant : Nana (bon le pourquoi du nom est un mystère). L’artiste a eu la bonne idée d’utiliser les chants issus du morceau de Salif Keita : Madan, sorti en 2002 (parodié en 2006…), ce qui donne à Nana un côté Africain du plus bel effet, renforcé par l’usage de djumbés avec une bassline assez énergique et joyeuse donnant fortement envie de danser.

On entre dans la partie la plus rythmée de l’album. Tout d’abord avec Redemption, qui démarre superbement sur des airs de fin du monde à la sauce soft tech-trance, découlant sur un break hanté par les chœurs grégoriens, une voix à la Maxi Jazz (coucou Faithless) parle sur le break, renforçant l’ambiance sombre, une nouvelle fois, on devine l’intention d’afficher ses inspirations de la part d’Orkidea. Le lead, qui reste aisément en tête, s’accorde parfaitement à l’ambiance.

Purity est, sans conteste, un des points d’orgue de l’album. Probablement très inspiré de ce que peut faire l’ami Solarstone, Purity affiche une bassline labelisée Pure Trance, édulcorée d’un vocal superbe aux consonances spirituelles élevées issu de l’introduction de Ghost In The Shell. Ce qui donne une force assez subtile et profonde au morceau.

Comme la psytrance est à la mode du côté de la scène Trance Européenne, il est peu étonnant d’entendre un morceau d’acabit progressive psytrance sur Harmonia en collaboration avec Activa qui a l’habitude de chevaucher entre les deux scènes, ainsi Z21 est un mariage entre bassline psy progressive accrocheuse et ambiance Orkidéesque digne d’Unity avec vocals mystiques et pads épiques. L’uplifting a également son instant de gloire avec North Star, en collaboration avec le poids lourd Italien Giuseppe Ottaviani, morceau some toute classique mais efficace.

Harmonia se clôture par un titre du même nom, morceau qui respire pleinement l’ode à Vangelis, notamment avec l’extrait de la fin de Blade Runner qui prend vie dans le break, mais j’y vois aussi des grosses influences Oxygène 12 de JMJ, ainsi le voyage s’achève dans des airs cyber-punks rétrofuturistes sur fonds d’orgues, un final émotionnellement intense et profond.

 

Ma Conclusion : Orkidea nous mène, à travers Harmonia, dans un voyage mêlant ses influences issues des prémices de la musique électronique et ses élans d’inspiration actuels. Ainsi est mis en avant ce qu’il qualifie de Retrofuturism, en effet tous les morceaux sont très actuels, avec des structures Trance & Progressive voire parfois un peu Deep, mais ces morceaux possèdent de nombreux éléments très vintages et sont souvent des hommages à des piliers de l’electronic culture. En fin de compte, cet album est un melting-pot 2.0, invitant de multiples sensations à nous envahir, de par la variété des 14 œuvres proposées. Je conseille cet album aux amoureux des synthétiseurs à l’ancienne, aux amateurs de science-fiction (oui oui), aux personnes qui aiment avoir un large éventail musical et qui aiment analyser la musique. Harmonia n’est pas taillé pour les clubs, c’est un musée contemporain de l’esprit progressive et de l’éclectisme de l’Electronic Dance Music, bien que forcément non-exhaustif.